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Interview de lauréat pitch Congrès ALLICE - Hadrien Marciano, Coretec
Le 11|02|2022
Publié le 11|02|2022
Lauréat du pitch innovation dans la catégorie Écologie industrielle et territoriale lors du Congrès ALLICE 2021
Récupération de chaleur fatale chez ugitech pour injection dans le réseau de chaleur urbain d'uginePar Hadrien Marciano, Directeur des opérations Audits et Avant-projets, CORETEC |
Quand site industriel et collectivité voient leurs intérêts converger pour une décarbonation de leur territoire
ALLICE : Hadrien Marciano, vous avez participé à la mise en œuvre d’un système de récupération de chaleur fatale sur des fumées de fours de l’usine d’UGITECH pour alimenter le réseau de chaleur de la ville d’Ugine. Comment est né ce projet ?
Hadrien Marciano : Ugitech nous a sollicités pour étudier les solutions pour valoriser leur chaleur fatale. Cette première mission nous a permis d’identifier deux options :
- Capter sur les fumées des fours de traitement thermique de leurs bobines d’acier
- Capter sur un circuit de de refroidissement d’un convertisseur de l’aciérie
ALLICE : Cela nécessite une réelle collaboration entre l’usine et la ville ?
Hadrien Marciano : Il se trouve qu’Ugitech entretenait déjà de très bonnes relations avec la ville. Et celle-ci a effectivement joué un rôle très important !
Avec Ugitech, nous avions débuté le dossier de demande d’aide pour le fonds chaleur au 1e trimestre 2019, mais les actionnaires ont changé, il y a eu le rachat d’Ascométal, ce qui à court terme impactait leur capacité d’investissement… Comme la ville était intéressée par le projet, c’est elle qui a décidé de porter l’investissement début 2020. Le modèle économique est donc original : Ugitech n’a pas contribué au financement mais en contrepartie, elle cède sa chaleur à titre gracieux à la ville pour une trentaine d’années. Le contrat prévoit aussi pour Ugitech un accès au réseau de chaleur à un tarif préférentiel pour remplacer ses petites chaudières (chauffage des bâtiments, restauration…).
Administrativement, il a aussi fallu innover : le dossier auprès du fonds chaleur avait été initié auprès de l’ADEME par Ugitech et il a donc été nécessaire de le transférer à la ville. L’ADEME a donné son accord à l’été 2020, ce qui a permis de lancer concrètement le projet. Le temps de la procédure d’appels d’offres, des études d’exécution… les travaux ont débuté au printemps 2021 et la mise en service a été faite en octobre 2021.
ALLICE : La mise en œuvre est donc très récente. Quels sont les premiers enseignements ?
Hadrien Marciano : Nous travaillons désormais à optimiser au mieux l’équilibre des sources d’énergies sur le réseau : en effet, la ville a aussi de la production de chaleur renouvelable avec une chaudière bois et fait appel au gaz en complément.
Il faut donc bien articuler l’ensemble pour que la chaleur récupérée vienne remplacer le gaz et non la chaleur renouvelable, et ce, dans un contexte variable puisque les paramètres changent au cours de l’année : en hiver, la chaudière bois fonctionne mais doit être complétée laissant la place largement à l’injection de chaleur récupérée. En intersaison la chaudière bois ne fonctionnant pas, peut-être pourra-t-on arriver à se passer du gaz… En été, les besoins du réseau sont inférieurs à la chaleur récupérée…
Comme il n’y a pas de stockage, nous prévoyons environ une année de recul pour parfaitement optimiser l’ensemble. Bien sûr, il faudra aussi adapter sur le long terme en fonction des besoins de la ville, notamment si le nombre d’habitants raccordés au réseau évolue de façon significative.
ALLICE : Ce raccordement au réseau n’a-t-il pas été trop complexe ? Vous n’êtes pas situé en centre-ville ?
Hadrien Marciano : Il a fallu faire une jonction avec le réseau de chaleur existant mais celle-ci était de moins d’1 km et sur le projet global, le coût de cette extension restait relativement limité. Dans la zone raccordée, il y a de l’habitat collectif avec de nouveaux immeubles qu’il fallait raccorder dans tous les cas et les fonds de l’ADEME sont aussi là pour permettre de couvrir les surcoûts. Il est certain qu’une usine totalement excentrée ne peut pas valoriser sa chaleur par ce moyen.
ALLICE : Côté Ugitech, l’installation a-t-elle eu un impact ?
Hadrien Marciano : Elle fonctionne très bien et elle ne perturbe pas du tout le process de l’usine. C’était un enjeu majeur auquel nous avons porté une grande attention. Nous avions tous les éléments pour être confiants, néanmoins, quand l’installation est mise en route, c’est toujours un soulagement de voir qu’elle fonctionne parfaitement comme nous l’attendions… voire mieux car la pression est encore plus stable dans les fours qu’elle ne l’était précédemment.
ALLICE : Que ce soit d’un point de vue technique ou économique, ce type de projet est-il reproductible et si oui, à quelles conditions ?
Hadrien Marciano : Nous ne sommes pas dans des retours sur investissements de 2 ou 3 ans comme peuvent les attendre les industriels. Pour que ce type de projet soit dupliqué, il faut un tiers-investisseur, que l’industriel soit libéré de cette dimension. Il cède sa chaleur gracieusement ou à un très faible coût, cela lui permet de la valoriser, de participer à réduire l’empreinte carbone de la collectivité, améliore son image… mais ne lui demande pas de prendre le risque financier. Il faut qu’il accepte uniquement de s’engager sur des contrats de fourniture de chaleur suffisamment longs pour que le tiers-investisseur puisse se positionner.
D’un point de vue technique, il est tout à fait reproductible dans un écoparc. Il suffit qu’un industriel ait des niveaux de chaleur récupérable de 200°C ou plus, et nous pouvons proposer une installation qui fonctionne.
Mais la technique ne fait pas tout : ce qui a vraiment fait de ce projet un succès c’est la bonne entente et la confiance réciproque entre la ville et Ugitech. Il y a des différences de culture, de rythme des décisions, d’enjeux… qui sont très importantes entre un industriel et un acteur public ou un exploitant de chauffage urbain. Certes, avec l’urgence climatique, ils vont de plus en plus devoir apprendre à travailler ensemble et leurs intérêts vont converger pour exploiter la chaleur de récupération, mais aujourd’hui, ces très bonnes collaborations sont encore rares et précieuses !
Cela existe ailleurs en France, par exemple avec Dalkia à Grande Synthe où les hauts-fourneaux alimentent aussi la ville, à Saint Chély d'Apcher en Lozère…
Ensuite, la chaleur n’est pas forcément à récupérer par une collectivité : elle peut très bien être utilisée directement par l’usine elle-même ou par un autre site industriel du même écoparc.
NDRL : vous souhaitez étudier la faisabilité de récupérer la chaleur de votre site industriel ? N’hésitez pas à nous contacter : contact@alliance-allice.com.